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20.06.24

De l'Antiquité au Moyen-Âge : les balbutiements du métier de fleuriste

Le saviez-vous ? Le commerce de fleurs remonte à l’Antiquité, où on trouvait déjà dans l’Egypte ptolémaïque les traces d’une horticulture spécifiquement dédiée à l’ornement, et qui s’exportait même en Europe, sur un modèle qui ressemble fort à la structuration actuelle du marché. Et qui dit fleurs d’ornements dit existence d’arrangement floral.. et donc du métier de fleuriste. Cet article est le premier de notre trilogie consacrée à l’histoire du métier de fleuriste !

Des fleuristes dès l’Antiquité ?

Pour l’essentiel, la culture florale est un phénomène urbain, une évolution liée à la « civilisation des mœurs » et soutenue aussi bien par les prêtres que par les fleuristes, les écrivains ou leurs éditeurs”, note Jack Goody, anthropologue anglais qui a consacré une somme impressionnante à la culture des fleurs dans le monde. Ainsi, les fleuristes ont selon lui le même impact sur les représentations de la fleurs que les artistes ou les tenants de la foi, signalant ainsi toute la richesse liée à la représentation de la profession. 

Pour comprendre la genèse du métier dans un contexte donné, il faut tout d’abord s’interroger sur l’usage ornemental des fleurs par le corps social, qui lui est évidemment intimement lié. Disons-le simplement, même si c’est une évidence : on constate des métiers apparentés à la fleuristerie dès qu’une société accorde à l’arrangement floral une portée symbolique, qu’il s’agisse d’un facteur de distinction hiérarchique ou d’un témoignage de piété envers les dieux. Pour l’anthropologue Jack Goody, c’est particulièrement le cas sur le pourtour méditerranéen, en Europe et en Mésopotamie. 

Évidemment, s’il faut se garder de plaquer nos représentations contemporaines du métier de fleuriste sur les multitudes de réalités qui nous parviennent, on peut tout de même constater que le commerce de la fleur prend racine dès l’Antiquité. Pour clarifier notre démarche, nous considérerons que les activités pouvant être liées à des formes primitives de l’activité de fleuriste englobent à la fois la vente de fleurs, de manière ambulante ou sur des places de marché, ainsi que l’arrangement des fleurs en guirlandes, couronnes ou bouquets. 

Commençons par préciser que l’usage ornemental des fleurs n’apparaît que sous deux conditions dans une société selon Jack Goody : l’existence d’une agriculture et une stratification hiérarchique de la société. De là naît une forme d’horticulture ornementale pour satisfaire aux rites religieux et aux désirs de parures de ses habitants. Goody voit dans l’Egypte ancienne le berceau de l’horticulture ornementale, et atteste même d’une importation de lotus d’Inde dédiés spécifiquement à l’ornement ; il n’est pas donc pas étonnant que les premières formes de commerce autour de la fleur aient germé sur les bords du Nil. On trouvait lors de célébrations religieuses “des bouquets, des couronnes et des tresses avec des lis d’eau bleus et blancs, des fleurs de pavots, des marguerites et d’autres fleurs sauvages”. 

Plus tard, l’anthropologue Jack Goody remarque que l’on peut déjà identifier des activités s’apparentant à celles de fleuristes dès l’Egypte ptolémaïque, avec une organisation du marché remarquablement identifiée pour l’époque ; Alexandrie est alors considérée comme la ville des fleurs au même titre qu’Amsterdam aujourd’hui. Cette production de fleurs visait à répondre à la demande liée aux célébrations religieuses, mais aussi à satisfaire la demande de fleurs issues de Grèce et d’Italie. “Les fleuristes et les jardiniers égyptiens jouissaient d’une grande réputation et déployèrent une industrie considérable non seulement pour l’usage local […], mais aussi pour l’exportation vers Rome”.

Fait plus intéressant encore, Jack Goody rapporte que ces fleurs trouvaient deux débouchés commerciaux distincts : d’une part les marchés, mais également des ateliers de confection de guirlandes fleuries à vocation cérémonielle, qui préfigurent alors une activité qui n’est pas sans rappeler celle de fleuristes contemporain. 

Par la suite, cette culture des fleurs et son commerce qui était l’apanage de l’Egypte se transmet à la Grèce, puis à l’Italie. Jack Goody note à ce titre que les liens étroits entre l’Egypte et Pompéi expliquent pourquoi cette dernière a été si pionnière dans l’histoire du commerce de la fleur. En effet, les fleurs y étaient cultivées pour un usage ornemental puis distribuées partout dans la péninsule italienne, principalement pour confectionner des guirlandes. Leur commerce était le fait de marchands de fleurs, qui vendaient aussi bien guirlandes que fleurs séparées, nous dit Goody.   

L’anthropologue relate qu’à cette époque, “dans l’Egypte ptolémaïque, en Grèce et à Rome dans les dernières années de la République, les fleurs étaient considérées comme des marchandises, il leur fallait donc non seulement des cultivateurs spécialisés, mais aussi des vendeurs”. Si les marchés étaient des lieux de vente privilégiés, on trouvait également des échoppes ou des boutiques spécialisées. Goody précise que la confection des guirlandes étaient le fait de femmes “probablement associées dans une corporation”. On distingue donc dès cette époque une très forte féminisation de la profession, qui caractérise encore aujourd’hui la profession de fleuriste.

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Un reflux au Moyen-Âge ?

A ce marché si bien structuré semble succéder une période moins faste pour la culture et la vente de fleurs, ainsi que pour l’arrangement floral, vertement condamnés par l’Eglise pour ses relations aux traditions cultuelles païennes.

L’Église nouvelle se méfiait beaucoup des jardins et de leurs statues, qu’elle attribuait au culte des anciens dieux”, signale Jack Goody. Ainsi, la longue tradition des guirlandes florales semble ne pas connaître le même engouement que dans les périodes antérieures, ce qui explique en partie le recul de la profession de fleuriste. “Les fleurs n’étaient qu’une part de ce qui était interdit d’offrande, aux dieux et aux morts” ajoute-t-il.  

Le christiannisme précoce s’inscrit profondément dans un rejet du luxe et de l’apparat, et les fleurs d’ici bas ne sauraient concurrencer celles du paradis. “L’ascète ne cherche pas le paradis chrétien dans les jardins royaux, mais dans les Champs Elyséens”, détaille Jack Goody. Les fleurs à vocation ornementale sont donc farouchement proscrites par les pères de l’Eglise, tel Clément d’Alexandrie : “ce n’est pas le fait de la sagesse de tresser une couronne de fleurs cueillies dans une vierge prairie et de les rapporter à la maison”. Sans usage social approuvé par les autorités morales, le commerce de fleurs était donc relégué au rang de pratique impie. 

Cette guerre à la fleur en matière de représentation s’installe dans la durée. L’historien Charles Joret, dans son Histoire de la rose publiée en 1892, note ainsi : “Les écrivains chrétiens condamnent spécialement le rôle de cette fleur, qu’ils incriminent pour son affinité avec Vénus. La rose n’apparaît que très progressivement dans l’iconographie chrétienne”. Il en va de même chez Blondel : “les premiers chrétiens rejettent avec horreur les couronnes païennes, comme s’ils craignaient que ces ornements profanes ne déshonorent un front sanctifié par le baptême”. 

Les fleurs connaissent ensuite une réhabilitation culturelle lente mais constante dans les usages populaires, notamment à la faveur de l’architecture et de la culture de la chevalerie – nous ne nous étendrons pas davantage sur ces causes, qui feront sans doute l’objet d’un article ultérieur. 

Quoi qu’il en soit, la culture des fleurs connaît un regain d’intérêt au XIVe siècle en Europe avec l’apparition de jardiniers professionnels opérant sous la férule d’aristocrates. On voit dès lors se constituer des corporations de confections de chapelets, en Angleterre et en France. A nouveau, on assiste à une ambivalence des professionnels de la fleur : “Ces artisans et leurs familles se partagent le plus souvent entre le commerce et le jardinage”, détaille Jack Goody.

Qui sommes nous ?

Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.