Evaluer l’impact environnemental des fleurs : entretien avec l’ADEME
L’ADEME, l’agence de la transition écologique, est un organisme public dont le rôle est de lutter contre le changement climatique et de faciliter la transition vers des modes de production et de consommation plus vertueux. Sessile a rencontré Vincent Colomb, coordinateur Affichage environnemental, pour évoquer l’opportunité de collecter des données environnementales sur la production de fleurs.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qu’est l’ADEME et ce que sont ses objectifs ?
L’ADEME est l’agence de la transition écologique. Notre rôle est d’apporter aux ministères une expertise environnementale, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, d’énergie, de déchets, d’agriculture etc. Nous cherchons aussi, en proposant de la donnée en open source, à massifier les comportements vertueux en permettant à tous les acteurs économiques, et dans une certaine mesure aux citoyens, de pouvoir accéder à une information claire et fiable sur leurs impacts environnementaux.
Notre but est que l’ensemble des acteurs puissent agir pour atteindre la transition. Nous sommes en train de construire des modèles pour retranscrire le coût environnemental des biens et services, notamment sur l’alimentaire et le textile en secteurs pilotes en 2024, avant d’élargir à un maximum de secteurs dans les années suivantes.
Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste une analyse ACV ?
Une ACV – ou Analyse du Cycle de Vie – consiste à dresser un bilan de l’ensemble des impacts liés à la production, à la distribution et aux déchets émis par un bien ou un service. Il s’agit de pouvoir construire des indicateurs qui reflètent fidèlement la consommation de ressources, en énergie, en eau et en espace, et de déterminer la pollution induite par les processus (ex : effets des pesticides dans l’environnement).
Une ACV s’intéresse globalement à l’impact d’un produit sur son environnement, en retenant des critères d’émission de gaz à effet de serre ou de pollution des sols et des eaux . A partir de ces métriques, il est possible pour les acteurs de savoir où ils doivent agir sur la chaîne de valeur afin de réduire l’impact environnemental de leur production. Il s’agit en quelque sorte d’une comptabilité appliquée à l’impact environnemental.
Pensez-vous que l’application de cette méthode à la production de fleurs coupées est pertinente ?
De manière générale, toutes les initiatives qui visent à donner au consommateur une information environnementale de ce qu’il achète sont à valoriser. L’affichage environnemental les aidera ainsi à orienter leurs achats vers des produits à moindre impact environnemental. En tout cas, ce besoin de transparence est une attente forte de la part des consommateurs. L’ADEME se positionne en appui d’expertise et garant de la fiabilité des démarches pour encourager une information environnementale sincère et limiter les risques de greenwashing.
Quelques travaux avaient été menés sur l’évaluation environnementale des roses dans les années 2010, mais nous nous sommes ensuite recentrés sur l’alimentaire. Des travaux européens ont aussi été menés au niveau du PEF. Aujourd’hui, les outils ont donc progressé et si la filière souhaite avancer sur la collecte de données et l’affichage environnementale, la situation est favorable.
Les fleurs coupées et l’horticulture de manière générale sont des secteurs avec des enjeux environnementaux avérés. En effet, la plupart des fleurs consommées aujourd’hui sont issues de l’importation, donc une étude de l’impact des logistiques peut se révéler intéressante.
Par ailleurs, l’achat de fleurs est une démarche d’achat emblématique : elle est symboliquement et culturellement très fortement ancrée. C’est donc un bon point d’entrée pour se questionner sur l’impact de notre consommation. Le marché doit évoluer face aux défis environnementaux, et de nombreuses initiatives sont à valoriser : il faut mettre en valeur tout ce qui peut mener à une fleur durable.
Enfin, il s’agit d’un secteur où appliquer les bons gestes est accessible à tout un chacun : par exemple, privilégier les fleurs de saison, et si possible les fleurs locales. Mettre en place une ACV pourrait permettre à la fois aux acteurs vertueux de valoriser leurs bonnes pratiques tout en orientant les habitudes des consommateurs.
Selon vous, quelle est la méthode à mettre en place pour construire une telle démarche ?
Pour s’engager dans un dispositif d’affichage environnemental, il est nécessaire de construire des références partagées via un travail collaboratif ; c’est aussi un bon moyen de s’assurer que les données sont les plus fiables possibles.
En ce qui concerne les fleurs, un bon point de départ serait de construire des références ACV sur les variétés de fleurs les plus consommées, et de mettre en place des analyses comparatives sur la base de quelques critères clés. Selon les critères retenus (ex : import,serre, saison, irrigation, usage de pesticides, etc.), on pourrait ensuite être en mesure de comparer l’impact des fleurs importées par rapport aux fleurs produites en France, comparer différents types de fleurs selon la saison, les espèces, le pays de production etc. Ces éléments seraient sans aucun doute aussi intéressants pour les fleuristes, les producteurs que les consommateurs !
Qui sommes nous ?
Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.