Floribalyse : point d’étape sur nos ambitions
Mercredi 18 décembre 2024 s’est tenue la réunion officielle du lancement du projet Floribalyse à Paris, en présence de Sessile, d’ASTREDHOR et de l’ADEME. Nous avons eu l’occasion d’évoquer les perspectives du projet et les choix techniques qui nous permettront de dresser un tableau fidèle de la production de fleurs en France, tout en rendant justice aux bonnes pratiques des floriculteurs français.
Lancement officiel de l’action dans les locaux de l’ADEME
Le 18 décembre 2024, Sessile, l’ADEME et ASTREDHOR ont officialisé le lancement du projet Floribalyse. Toute l’équipe Sessile est très enthousiaste de cette belle opportunité de doter la filière de données fiables pour étudier son impact environnemental, et permettre aux professionnels qui le souhaitent de dégager des pistes d’amélioration pour la suite.
Pour rappel, le projet Floribalyse consiste en la création d’une base de données de production de fleurs coupées en France qui seront implémentées dans la base Agribalyse qui compile déjà des données sur les secteurs alimentaires et textile. Par la suite, les données seront mobilisées dans un calculateur qui permettra aux consommateurs de comprendre l’impact environnemental des fleurs qu’ils achètent.
Au-delà de l’aspect technique du projet, Floribalyse est aussi l’occasion de fédérer la filière fleur coupée française autour des enjeux climatiques, afin de déterminer les contours d’une fleur plus durable, et donc plus désirable. En effet, ce n’est qu’à l’échelle d’une filière que de véritables initiatives peuvent se structurer et réussir, qu’il s’agisse d’initiatives climatiques, économiques, sanitaires ou sociales.
Pourquoi Sessile s’engage dans un tel projet ? D’une part parce que dès les premiers jours, nous avons souhaité que Sessile soit une entreprise militante, avec pour premier combat de lutter pour l’indépendance des artisans fleuristes. Aujourd’hui, nous souhaitons participer à la transformation de la filière fleurs coupées de la production à la distribution. Et pour ce faire, parce que les défis sont nombreux, nous souhaitons que Floribalyse soit avant tout un projet collectif de la filière, partagé par chacun de ses acteurs.
Ce que nous souhaitons fondamentalement, c’est doter la filière d’outils de pilotage qui puissent servir à l’ensemble des acteurs et permettre à de nouveaux projets économiques, écologiques, ou sociaux de voir le jour.
Sessile, l’ADEME et ASTREDHOR : une vision commune
Cet événement de lancement était tout d’abord l’occasion de confirmer que les trois acteurs partagent une vision commune sur l’impact environnemental. Tout d’abord, la nécessité de sortir de l’approche centrée sur le carbone, et de prendre en compte l’intégralité des 16 critères d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) définis par le Product Environmental Footprint (PEF), référentiel qui fait foi au niveau européen pour conduire les ACV. En effet, l’analyse de l’impact environnemental est le fruit d’arbitrages et de pondérations entre plusieurs facteurs, comme la consommation des ressources, la pollution des sols, des eaux, ou la toxicité des procédés de production pour la biodiversité et les êtres humains.
Le second point d’accord entre les trois acteurs est la nécessité de passer par la collecte de données environnementales spécifiques, qui doivent être des outils d’aide à la décision sur lesquelles s’appuient les politiques publiques et la structuration des filières. Ces données sont vitales à la fois pour améliorer l’information des consommateurs sur ce qu’ils achètent, mais aussi pour permettre aux acteurs économiques de mener des projets de transformation sur (’écoconception) sur leurs marchés, et ainsi d’ouvrir la voie à des pratiques plus vertueuses. Du côté de Sessile, nous mobiliserons ces données au maximum pour concevoir des outils qui permettent aux professionnels du végétal, qu’ils soient fleuristes ou producteurs, pour qu’ils puissent adapter leur pratique professionnelle aux enjeux de demain.
Enfin, Sessile, ASTREDHOR et l’ADEME partagent la conviction que ces travaux sur les données environnementales peuvent participer à la relocalisation des activités de production en France, et contribuer ainsi à la souveraineté agricole de la France. L’objectif de Floribalyse est donc de poser les premières pierres à une relocalisation de la filière, dans la mesure où la France semble disposer de nombreux atouts pour jouer les premiers rôles, à commencer par son climat. Pour ce faire, les résultats du projet nous permettront de déterminer les itinéraires de production les plus respectueux de l’environnement.
Référentiel Flori PEFCR : quelle position pour Floribalyse ?
Pour construire une ACV, il faut une méthode. Aujourd’hui, celle qui fait foi sur la question des fleurs coupées au niveau de l’Union européenne est un référentiel baptisé Flori PEFCR, indiquant aux professionnels de l’horticulture la marche à suivre pour pondérer les critères et traiter les différentes variétés de fleurs. Ce projet est une initiative de Royal FloraHolland, première coopérative et producteurs de fleurs au monde et détentrice des plus grandes places de marché, conduite par l’université néerlandaise de Wageningen.
La question de l’application des guidelines européennes est récurrente dans la prise en compte des facteurs environnementaux. A titre d’exemple, l’ADEME a fait le choix de prendre des libertés quant au référentiel européen sur la question du textile, pour intégrer la question des microplastiques, sous-estimée dans l’analyse environnementale du secteur selon les professionnels de l’ADEME. Par ailleurs, le ministère de la Transition écologique français a fait le choix d’augmenter la pondération des pesticides dans les modes de calcul du coût environnemental.
Au sein du projet Floribalyse, nous nous orientons donc vers un appui sur la méthode Flori PEFCR, tout en adoptant une posture critique. Dans l’optique du renouvellement du référentiel fin 2025, nous sommes convaincus que le projet peut et doit servir à alimenter la réflexion européenne sur la prise en compte de l’impact environnemental des fleurs coupées. L’expérience Floribalyse est donc une opportunité pour les acteurs du marché français de contribuer aux règles européennes en coopération avec les acteurs européens, à commencer par les parties prenantes hollandaises, en pointe sur ces questions.
Nous préciserons prochainement les changements de méthode qui nous sembleraient pertinents pour enrichir le référentiel et participer à la réflexion européenne. Les libertés que nous pourrons prendre vis-à-vis de ce référentiel européen devraient nous permettre de dresser un portrait plus fidèle de l’impact environnemental de la production de fleurs en tenant compte des spécificités françaises.
Means In Out comme outil de saisie
D’un point de vue technique, nous nous sommes posés la question de l’outil de saisie des données que nous mobiliserons dans le cadre du projet. Nous avions le choix entre des outils hollandais tels que Florifootprint, davantage profilés pour prendre en compte les spécificités de la production horticole et un outil français nommé Means In Out, développé par l’INRAE, un institut de recherche public spécialisé dans les questions agricoles et environnementales.
Nous avons décidé de retenir l’outil Means In Out développé par l’INRAE, car il nous semble davantage susceptible de refléter les spécificités françaises. En effet, celui-ci intègre déjà les pondérations préconisées par l’ADEME et le Ministère de la Transition écologique, notamment en matière de pesticides. Nous envisageons également d’utiliser un logiciel hollandais comme Florifootprint, développé par les acteurs hollandais, afin de contrôler nos résultats.
Mieux rendre compte de l’impact des pesticides
L’un des points sur lesquels nous souhaitons tester une approche différente du Flori PEFCR est la question de la prise en compte des phytosanitaires. En effet, il s’agit selon nous d’une problématique fondamentale du commerce mondial de la fleur coupée, qui aujourd’hui est insuffisamment prise en compte dans les analyses environnementales disponibles. Pourtant, il s’agit d’une distinction majeure entre la production européenne et extra-européenne.
En effet, les fleurs produites en Afrique et en Amérique du sud présentent de nombreuses traces de pesticides interdits dans l’Union européenne, ce qui crée un distorsion majeure de concurrence entre les producteurs français, soumis à des normes beaucoup plus strictes, et les producteurs hors Europe. Une étude de Greenpeace de 2014 estimait à l’époque que l’on trouvait près de 40 substances interdites en Europe sur un bouquet de roses importées. Une étude plus récente de l’université de Liège fait état de 70 substances interdites présentes dans les urines des fleuristes, et de plus d’une centaine sur leurs mains.
De fait, les horticulteurs français utilisent moins de pesticides que leurs homologues kényans par exemple, et recourent à de nombreuses alternatives telle que la protection biologique intégrée, visant à protéger les fleurs par des voies naturelles, notamment en introduisant des prédateurs pour les nuisibles. C’est pourquoi il nous apparaît essentiel de faire davantage ressortir cette question dans l’analyse environnementale des fleurs coupées, afin de montrer les éventuels bénéfices des efforts fournis par les floriculteurs de France.
Cette question apparaît d’autant plus essentielle que l’actualité a de nouveau démontré l’effet toxique des pesticides sur la santé humaine. En effet, le Fond d’indemnisation des victimes de pesticides a statué que la mort d’Emmy Marivain, atteinte d’une leucémie, était une conséquence de l’exposition de sa mère, fleuriste, à des pesticides présents en quantité sur les fleurs qu’elle manipulait lorsqu’elle était enceinte. Nous considérons qu’il s’agit d’un risque sanitaire qui doit impérativement être pris en compte.
Construire une représentation fidèle de la production française
A date, les données de production à notre disposition via ASTREDHOR concernent principalement les producteurs du sud de la France, principal bassin de production de fleurs coupées. C’est notamment sur ce territoire que sont cultivées des variétés très appréciées des consommateurs comme la renoncule ou l’anémone en hiver, et la pivoine au printemps.
Cependant, nous souhaitons aller plus loin dans la représentation des producteurs français. Nous voulons donc nouer des liens avec les producteurs des Pays de la Loire et d’Île-de-France pour explorer d’autres variétés de fleurs, et mieux comprendre l’impact réel de la production de fleurs pour l’environnement.
D’autre part, nous envisageons de collecter des données auprès des nouveaux producteurs de fleurs qui exercent sur des surfaces plus réduites, les fermes florales, susceptibles de mettre en place des itinéraires de production différents de la production conventionnelle. Nous souhaitons donc pouvoir intégrer l’impact de leurs cultures à nos données finales. Nous leur diffuserons donc des questionnaires destinés à mieux comprendre les mécanismes de leur production et leurs bénéfices pour l’environnement.
Une démarche ouverte et collaborative pour déterminer les variétés à l’étude
La question des variétés à l’étude est une donnée fondamentale pour mener à bien le projet Floribalyse. Nous espérons pouvoir calculer l’impact environnemental d’une quinzaine de variétés. Dans une perspective finale d’affichage environnemental, il nous faut sélectionner des fleurs qui soient évocatrices pour les consommateurs.
C’est pourquoi nous lancerons une grande consultation auprès de fleuristes volontaires, qu’ils appartiennent au réseau Sessile ou non, pour connaître les fleurs les plus populaires auprès de leurs clients. Nous choisirons ensuite les variétés les plus souvent citées pour lancer nos travaux.
L’aspect ouvert de cette démarche et la consultation des fleuristes nous apparaissent indispensables pour que le projet Floribalyse soit crédible. Nous associerons aussi souvent que possible les fleuristes à nos réflexions, tout comme les producteurs, de manière à ce que nous puissions déterminer la meilleure façon de nous adresser aux consommateurs.
Enfin, pour gagner en efficacité, nous réaliserons un travail de typologie pour regrouper les espèces voisines entre elles et augmenter la portée des résultats de notre étude. Ce travail sera mené par l’institut ASTREDHOR à l’issue de la consultation des fleuristes.
Construire les bases de données d’import pour mettre en valeur les bonnes pratiques françaises
Une fois que nous aurons construit les références pour la production française, nous devrons être en mesure de pouvoir comparer les résultats avec ce qui se pratique à l’étranger. Cette tâche pose une véritable difficulté : en effet, il est particulièrement complexe d’accéder à des données fiables sur la production étrangère. Dans le travail d’animation de la filière que nous menons au quotidien, nous mettrons tous nos efforts pour convaincre des acteurs étrangers de partager leurs données de production avec nos équipes.
Pour ce qui est de la modélisation des données de la production à l’étranger, nous nous appuierons donc principalement sur la littérature scientifique disponible, et notamment sur les ACV réalisées sur les roses hollandaises et kényanes, qui devraient constituer un bon point de départ pour notre analyse. En revanche, si la rose a fait l’objet de nombreux travaux de recherche en raison de sa grande popularité auprès des consommateurs, les autres variétés de fleurs n’ont pas suscité d’engouement similaire.
Nous tâcherons donc de collecter autant que faire se peut des données pertinentes auprès d’acteurs internationaux. Si nous ne parvenons pas à recueillir de données de production précises, nous élaborerons des modèles les plus rigoureux possibles à partir des données de production dont disposent les équipes d’ASTREDHOR,de manière à proposer de données de comparaison.
Pour conclure, nous allons à court terme poursuivre nos réflexions afin d’affiner autant que faire se peut les critères sur lesquels nous allons construire notre ACV, et surtout de leur pondération. Nous avons prévu de nous réunir de nouveau fin février afin de faire le point sur l’état de nos réflexions. Nous souhaitons en effet que les résultats soient en mesure de dresser un tableau fidèle de la production française, sans reproduire les biais éventuels des études internationales. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons mettre en avant les bonnes pratiques du secteur floral français.
Nous sommes perpétuellement à la recherche de nouveaux partenaires pour nous aider à consolider le projet. Si vous souhaitez contribuer aux réflexions ou participer d’une manière ou d’une autre à Floribalyse, l’essence même de notre projet est justement d’en ouvrir les portes pour que nous puissions transformer la filière ensemble.
Nous serons donc ravis d’échanger avec vous ! Vous pouvez contacter le coordinateur du projet à l’adresse suivante : louis@sessile.fr.
Qui sommes nous ?
Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.