Plongée au coeur du marché aux fleurs à Hyères
Si l’essentiel des fleurs que nous achetons aujourd’hui transitent par les cadrans d’Aalsmeer aux Pays-Bas, la France est dotée de l’un des plus grands marchés aux fleurs d’Europe à Hyères. Pour comprendre comment il fonctionne, Sessile est allée rencontrer son directeur du développement Gilles Rus, pour qu’il nous parle de l’activité de la SICA et de sa vision du marché des fleurs coupées en France.
Monsieur Rus, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la SICA MAF ?
La SICA (Société d’intérêt collectif agricole) est la désignation du marché aux fleurs d’Hyères, qui est le premier lieu de mise en marché de fleurs coupées en France, et parmi les plus importantes places de marché aux fleurs de toute l’Europe.
A la différence d’une coopérative classique, notre conseil d’administration inclut des producteurs mais aussi des grossistes, l’objectif étant d’avoir une réflexion stratégique alimentée par l’ensemble de la filière, de la production à la distribution.
Par ailleurs, là où les coopératives imposent à leurs sociétaires d’apporter 100 % de leur production, le statut de SICA n’impose qu’un seuil minimal de 50 % d’apport. Dans les faits, nos producteurs membres apportent en moyenne 90 % de leur production, ce qui peut laisser à penser qu’ils sont satisfaits des services que nous mettons à leur disposition.
L’intérêt est de concentrer une large gamme de fleurs sur un marché unique, et de mettre en valeur la production de fleurs varoises, sa gamme et sa qualité spécifique.
Le département est le premier bassin de production de fleurs coupées en France et compte pas moins de 450 producteurs, généralement de petites exploitations.
85 % des fleurs que nous vendons sont produites dans le Var, principalement sur les communes d’Hyères, Carqueiranne et La Crau : vous pouvez difficilement faire plus local ! Pour les 15 % restants, nous nous approvisionnons en Italie, qui propose des produits comparables en qualité, et qui nous permet de compléter la gamme que nous mettons à disposition des acheteurs.
Les fleurs que nous vendons sont ensuite acheminées sur l’ensemble du territoire et à l’export.
Comment est fixé le prix des fleurs ?
Le marché aux fleurs suit les mêmes règles que celles d’une bourse. Nous fonctionnons peu ou prou comme à Aalsmeer, par un système d’enchères inversées, ou plus communément appelée vente aux cadrans. Ce sont des enchères électroniques décroissantes, où le prix des fleurs baisse jusqu’à trouver preneur. Les fleurs sont vendues sous cette modalité pour une raison très simple : c’est un produit périssable, et chaque minute compte. Les ventes aux cadrans permettent de gagner en rapidité et en transparence.
Tous les jours, 100 à 150 acheteurs se réunissent dans notre amphithéâtre pour participer aux enchères. Cela représente environ 3000 transactions à l’heure.
Le prix, comme sur n’importe quel marché, résultera de la confrontation en temps réel de l’offre (les apports des producteurs et de la demande (en l’occurrence les grossistes présents pendant la vente). De nombreux facteurs entrent en jeu comme la qualité intrinsèque de chaque fleur, les volumes de productions, la demande, les pics de consommation et l’impact bien évidemment de la concurrence.
Il faut comprendre que la fleur est l’une des rares productions agricoles qui ne sont pas régies par la Politique Agricole Commune, les échanges commerciaux ne sont pas réglementés et sont par conséquent totalement mondialisés. Les prix de vente se formalisent sur nos cadrans, mais ils ne sont jamais que la résultante de ce qui se passe au niveau international.
Pour vous donner un exemple très concret, nous connaissons actuellement un pic d’activité avec la pivoine. La fête des mères européenne se tient toujours le 2ème dimanche de mai, ce sera le 12 mai cette année, et le Var est pratiquement le seul lieu de production à cette période. Aussi, les prix connaissent une forte hausse à l’approche de cette période, puis ils reviennent à la normalité et deviendront plus accessibles pour le marché français.
Comment les producteurs varois se sont adaptés à la concurrence des fleurs d’importation ?
Le sujet de la concurrence internationale est évidemment un facteur clé pour comprendre l’évolution actuelle du marché. Nous avons connu une véritable révolution il y a une quinzaine d’années. La production de roses s’est fortement développée en Afrique et en Amérique Latine, deux origines bénéficiant de conditions climatiques favorables mais surtout de conditions sociales et environnementales sans commune mesure avec celles pratiquées en Europe et particulièrement en France. Les prix de ventes des produits importés sont venus impacter fortement les productions européennes.
Dès lors, les charges de production de nos horticulteurs sont devenues trop importantes au regard des prix de vente.
Les producteurs du Var ont dû réagir et s’adapter rapidement. Ils ont réorienté leurs productions vers des espèces plus adaptées au climat méditerranéen, moins énergivores et qui permettent de se démarquer de la production internationale par leur spécificité et leur qualité. C’est le cas des pivoines que j’ai mentionnées, ou encore des renoncules et des anémones.
Pour vous donner quelques chiffres qui illustrent mon propos, le Var comptait 120 producteurs de roses il y a 15 ans, ils ne sont désormais plus que 5. En revanche, on dénombrait seulement 6 producteurs de pivoines : ils sont aujourd’hui 180 ! C’est un signe manifeste que la production s’est recomposée de manière efficace.
En même temps, nous avons développé la marque de qualité Hortisud, élaborée autour de cahiers des charges par espèce visant à fiabiliser la qualité de nos produits et leurs tenues en vase.
Les fleurs françaises sont donc plus chères que les fleurs importées ?
A variétés égales, ce qui sûr c’est qu’elles coûtent plus cher à produire !
Concernant les prix de vente, c’est la qualité de la fleur qui fera la différence.
Pour rester sur l’exemple de la rose, une Rose française sera plus quotée qu’une rose africaine, mais on n’est pas sur le même standard qualitatif. A contrario, une rose d’équateur sera comparable en prix mais le niveau de qualité de la rose d’Amérique latine est élevé, avec une excellente fiabilité d’approvisionnement toute l’année. C’est toujours la qualité de la fleur et sa spécificité qui détermineront son prix.
Quelles sont les difficultés qui empêchent l’installation de nouveaux horticulteurs ?
Le métier d’horticulteur est un métier de passion, mais c’est aussi un métier extrêmement difficile. Pour commencer, l’investissement de départ n’est pas à négliger et freine sans doute de nombreuses vocations. C’est aussi un métier où il ne faut pas trop compter sur ses samedis et ses dimanches, surtout pendant la période de forte production.
Et puis Il y a aussi cette iniquité concurrentielle dont l’actualité s’est faite l’écho il y a quelques mois dans les professions agricoles : la France est pionnière dans ses normes environnementales, mais comme les mêmes contraintes ne s’appliquent pas aux fleurs d’import, ce n’est pas toujours facile d’être compétitif et de faire face à une concurrence aux conditions sociales déjà très avantageuses.
Ce sont à mon avis les principales difficultés qui plombent l’installation de jeunes producteurs.
Point positif, le Var a vu l’installation d’une soixantaine de nouveaux producteurs sur les 10 dernières années.
Qui sommes nous ?
Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.